Quand j’ai décidé de créer mon blog, j’avais la ferme intention de ne pas parler de ma vie personnelle et de ne parler que de mode. Je parle un peu de moi dans la rubrique ABOUT ME mais je me suis rendue compte que je voulais partager plus que ma passion pour la mode. Ce que je suis, ce que j’ai vécu et mes sensibilités font partie intégrante de moi et j’avais envie de m’exprimer sur beaucoup de sujets.
Alors je me présente: je suis Anna, j’ai 34 ans et je suis originaire du Congo-Brazzaville (un pays d’Afrique centrale). Je suis blanche de peau parce que je ne suis plus noire. J’ai une maladie de peau appelée vitiligo qui se caractérise par une dépigmentation de la peau. Elle fait apparaître des taches blanches sur la peau qui se répandent plus ou moins lentement au fil des années. C’est la maladie qu’avait Michael Jackson et qui a été à nouveau médiatisée avec le célèbre mannequin canadien Winnie Harlow.
Je suis née noire et à mes 8 ans, les premières tâches sont apparues à ma cheville gauche puis au visage et ensuite sur le reste du corps. Au bout de quelques mois, j’étais complètement dépigmentée. Le problème est que cela n’est pas arrivée « naturellement ». J’ai consulté un dermatologue qui avait établi le bon diagnostic: le vitiligo, c’était la première fois que j’entendais ce mot... Il m’a prescrit un traitement sans m’expliquer qu’il consistait à accélérer le blanchiment de ma peau.
Je me rappellerai toujours de ma rentrée en CM1, le Directeur de l’école était venu expliquer à mes camarades de classe que j’étais devenue blanche mais que je restais la même et surtout ne de n’as pas avoir peur de moi car la maladie n’est pas contagieuse. Il faut dire qu’en Afrique, les superstitions sont très présentes au quotidien…
Les choses auraient pu s’arrêter là, j’aurais pu continuer ma vie dans cette « nouvelle peau » même si à 9 ans on n’a pas encore conscience des questions identitaires qu’un tel changement pouvait causer.
Pendant des années, mes parents se sont battus pour trouver un remède, pour que je guérisse. Nous sommes tombés sur des charlatans qui ont spoliés mes parents, leur promettant que je redeviendrai noire avec des traitements quelques fois farfelus. Et bien évidemment ce n’est jamais arrivé!
Les années qui ont suivi, nous avons du déménager loin de mes amis, de mon école, de mon quartier où tout le monde était habitué à voir « ma différence ». Alors j’ai dû tout recommencer dans une nouvelle école, un nouveau quartier. Les regards curieux, moqueurs et même parfois effrayés. Devoir à nouveau expliquer ce que j’avais et que je n’étais pas contagieuse.
Puis la période que tout parent redoute est arrivée: l’adolescence. Je peux dire aujourd’hui avec du recul, que je ne m’en suis pas si mal tirée. J’avais mis toute mon énergie dans mes études, je mettais un point d’honneur à avoir les meilleurs notes en classe sans doute pour compenser mon physique. J’étais parmi le top 3 des meilleurs élèves et j’en tirais une grande satisfaction. Ces m’a aidé à me sentir valorisée, à ne pas être que la fille avec le vitiligo.
La lueur d’espoir est venue d’un professeur qui habitait en Côte d’ivoire et qui avait développé un traitement contre le vitiligo. C’était en 1998, mon papa et moi avons fait le voyage de Brazzaville à Abidjan pour le rencontrer. Le traitement consistait à appliquer une crème sur la peau et ensuite m’exposer au soleil pendant des heures afin de stimuler la production de mélanine. Imaginez prendre des bains de soleil pour une africaine, un comble!
Mais le traitement marchait….ma peau naturelle revenait. Pas aussi vite que je le souhaitais mais elle revenait je voyais mon visage reprendre peu à peu les traits que j’avais sur mes photos d’enfance, avant la maladie. Bien sûr, il y avait un inconvénient: ma peau n’était pas uniforme elle était majoritairement blanche et clairsemée de tâches marrons.
Et puis la guerre est arrivée au Congo. Fin 1999, ma famille et moi avons dû quitter notre maison. Nous avons tout perdu, notre maison totalement détruite par les bombes, nos affaires et surtout tous nos souvenirs. Nous nous sommes installés dans une autre ville dans laquelle j’ai dû à nouveau tout recommencer. Nouveau quartier, nouvelle école… Moins de deux ans plus tard nous étions en France.
Août 2000, à mon arrivée en France, j’ai consulté des dermatologues qui m’ont expliqué que les traitements existants n’étaient pas très satisfaisants et qu’au stade où en était la dépigmentation de ma peau, il vaudrait mieux laisser le processus s’achever. Et c’est comme cela que ma peau a blanchi années après années jusqu’à être totalement blanche, très blanche et même très pâle.
Depuis 15 ans, je vis dans ma peau blanche avec plus ou moins d’aisance. J’ai appris à faire attention au soleil qui n’est bon pour ma peau fragile (heureusement que les crèmes solaires existent). D’ailleurs, chaque année il fait ressurgir ma peau naturelle en stimulant ma mélanine….d’où ces tâches marrons sur mon visage. L’ironie du sort c’est que je dois suivre un traitement pour enlever ma peau noire si je veux avoir une peau uniforme.
Bien que toutes ces années n’aient pas été faciles, je me refuse de m’apitoyer sur mon sort. Je sais que j’ai eu de la chance d’être entourée par mes proches et surtout d’être aimée d’un amour inconditionnel particulièrement celui de mon mari que j’ai rencontré au moment où j’étais loin d’être photogénique.
Il y a quelques jours, quelqu’un m’a demandé quels conseils je donnerais à moi plus jeune. La réponse m’est venue tout de suite: je lui dirais de moins se prendre la tête et d’avoir confiance en l’amour parce que l’amour, quel que soit sa forme, guérit tout.
Enfant, l’amour de mes parents m’a guidé et m’a protégé de nombreuses blessures. Tout particulièrement celui de ma maman qui a porté pendant des années cette maladie comme si c’était elle. Mon frère et ma soeur (ma complice de toujours) ont toujours été des bouffées de bonheur dans ma vie.
Adolescente et adulte, l’amour de mes amies qui ont été présentes dans les bons comme dans les mauvais moments m’a aidé à grandir et à m’apaiser. Aussi, il faut l’avouer à faire la fête. J’ai peu d’amies mais je sais que je peux compter sur elles quoi qu’il arrive.
Ce qui a changé à jamais ma vie c’est l’amour de mon mari. Son amour a tout transcendé, il m’a donné confiance en moi et le fait à chaque foi que je doute. Mais surtout il a fait de moi une l’heureuse maman de deux enfants, un garçon et une fille, qui font mon bonheur tous les jours.
Pendant des années, j’ai pensé au suicide. En finir avec cette vie qui était parfois trop cruelle avec moi. Quelques fois j’avais des questionnements sur ma place dans ce monde. L’amour m’a aidé, incontestablement et profondément.
Ce qui m’a aussi beaucoup aidé est d’avoir des passions qui me permettaient de m’évader. J’ai en réalité trois passions: la lecture, l’écriture et la mode.
Avec la lecture, je me suis évadée dans des univers réalistes ou pas. Je ne me sentais pas seule dans ma chambre lorsque je dévorais des livres durant des weekends entiers sans mettre le nez dehors.
L’écriture de poèmes et aussi dans mon journal intime a été une vraie bouée. Les mots m’ont permis d’évacuer ma souffrance et de mettre par écrit mes rêves, mes aspirations. Une manière de me raccrocher malgré out à la beauté de ce monde.
Et puis, il y avait la mode. Choisir des vêtements, toucher des matières, imaginer des looks, passer des heures dans les rayons des magasins étaient des moments précieux où je ne pensais pas à ma différence. Bien au contraire, je me sentais moi même. Mes proches m’ont souvent fait remarquer que j’avais bon goût et que je devrais travailler dans la mode. J’ai fait d’autres choix dans la vie mais la mode fait partie de moi.
Aujourd’hui encore, la mode est ma thérapie et sans doute, dans une certaine mesure, ce blog également. Le nom d’ana fashion therapy c’est un clin d’oeil à ce cheminement vers la confiance et l’estime en soi en dépit du vitiligo.
Xoxo Anna
Salut, je tiens à laisser un simple commentaire pour dire que j’ai beaucoup aimé ton témoignage. A travers ton récit, on peut imaginer ce que tu as traversé avec la maladie et cela m’apprend énormément. Je travaille avec des adolescents et cette période n’est pas facile (même sans la maladie). J’ai pu constater à quel point quand une maladie survient au cours de son développement, cela peut bouleverser son identité (déjà fragilisé par les processus adolescents).
Bref que de courage et de force 😉
Merci pour ton récit !
A bientôt,
Line
https://la-parenthese-psy.com/
J’ai effectivement passé des moments difficiles et c’est vrai que l’adolescence a été un passage très particulier. C’est l’âge où l’on vit les premières déceptions amoureuses et surtout on souhaite plus que tout ne pas être différente des autres. Tu as beaucoup de mérite de travailler avec les adolescents. Merci beaucoup pour ton commentaire il m’a énormément touché.
A bientôt.
Anna
Coucou Anna, merci pour ce témoignage très touchant. Tu es une belle personne avec de vraies valeurs. Bisou
Merci ma belle ce que tu dis me touche beaucoup. J’avoue avoir longuement hésité à publier cet article mais j’avais besoin d’écrire mon histoire et de la partager. Plein de bisous à toi
Tres touchant
Merci c’est gentil ☺
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